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Monnaie Mobile Levier De Financement Des PME

Monnaie Mobile Levier De Financement Des PME

INTERVIEW DU JOURNAL CAMEROON BUSINESS TODAY PARUCE 17 MARS 2021

Éric ELOUNDOU NGAH Entretien avec Alain MAZDA

  1. On observe depuis quelques temps une intégration de paiements mobiles dans les services et commerces de la place. Comment appréciez-vous cette tendance ?

Les payements mobiles s’inscrivent globalement dans le processus d’intégration des systèmes financiers en Afrique, constitués des zones monétaires, des marchés bancaires, des marchés financiers, des systèmes de compensation et des moyens de payement. Cette dynamique d’intégration évolue à plusieurs vitesses selon les pays et les zones monétaires, et est tributaire du niveau de développement du tissu économique et des infrastructures de base dans les domaines de l’énergie, des télécommunications et du transport

Les paiements mobiles font partie des moyens de paiement et plus spécifiquement de la monétique, définie comme l’ensemble des dispositifs utilisant l’informatique, l’électronique et la télématique pour développer les transactions bancaires. A ce titre, nous ne pouvons apprécier que très favorablement le développement des paiements mobiles comme instruments pour les échanges commerciaux au Cameroun, car cela augure des perspectives très favorables pour le financement de l’économie, le développement des activités commerciales et industrielles, la croissance et l’emploi.

  1. De votre point de vue que gagnent l’Etat et ces opérateurs ?

Il importe tout d’abord de rappeler que, le plateau technique qui assure la réalisation des paiements mobiles implique plusieurs acteurs : les opérateurs des télécommunications, les institutions financières, les opérateurs de transfert de fonds, les autorités de tutelle des deux secteurs (MINFI, MINPOSTEL), la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC), l’opérateur de compensation (GIMAC), les commerçants et enfin les
consommateurs.

Les opérateurs qui sont représentés ici par les entreprises de téléphonie mobile, les institutions financières et les entreprises de transfert de fonds voient leurs activités respectives croître au fil du temps et en tirent naturellement des profits substantiels.

Quant à l’Etat, au-delà de l’incidence fiscale favorable dont il peut bénéficier, en marge du développement des activités des opérateurs cités précédemment, c’est davantage l’impact structurel du développement des paiements mobiles que nous relèverons ici, en trois dimensions essentielles :

  • Les paiements mobiles facilitent la démonétisation progressive des transactions commerciales (réduction des paiements en cash) et favorisent ainsi l’accélération de la vitesse de circulation de la monnaie, avec pour corollaire une capacité plus importante des entreprises à créer des richesses nouvelles (un commerçant peut vendre plus de marchandises que d’habitude et un industriel peut produire plus de biens ou services)
  • Les paiements mobiles contribuent à l’inclusion financière de toutes les couches de population, qui pourront désormais bénéficier d’un nombre important de services financiers grâce à l’utilisation du téléphone portable. Il est utile de relever dans ce sens que le Groupement Interbancaire Monétique de l’Afrique Centrale (GIMAC), sous l’impulsion de la BEAC, a mis en œuvre un écosystème convergent carte bancaire, mobile et transfert d’argent, GIMACPAY. Ce dernier permet aux populations d’utiliser les services financiers de certaines institutions financières participantes, en vue de transférer de l’argent entre des comptes mobiles et des comptes bancaires et vice-versa, d’effectuer des achats de biens et services chez des commerçants affiliés, de retirer de l’argent sur les distributeurs automatiques de banque et enfin de recevoir des transferts internationaux dans leurs comptes mobiles ou bancaires
  • Enfin, l’utilisation des comptes mobiles, eu égard au taux de pénétration de la téléphonie mobile qui dépasse 83% au Cameroun, contre moins de 20% pour le taux de bancarisation, constitue un important levier pour l’accélération du processus de bancarisation des populations. Ce qui va contribuer à une mobilisation conséquente de l’épargne publique et offrir au système financier plus de moyens pour financer l’économie et contribuer plus efficacement à la croissance et à l’emploi.
  1. Ces solutions ou alternatives nouvelles ont l’avantage d’être pratiques pour les
    transactions, limitant les difficultés d’accès aux pièces de monnaie. Quel est le niveau de sécurité dans ces transactions ?

 La monétique en général repose sur des applications informatiques et des systèmes de communication extrêmement sécurisée, avec des conditions de sécurité comparables à celles utilisées pour la production des billets et pièces de monnaie. En effet, dans la mesure où il s’agit simplement de la dématérialisation de la monnaie traditionnelle, la Banque Centrale veille à ce que tous les intervenants disposent des moyens techniques et financiers permettant de garantir la sécurité des transactions.

Dans le cas spécifique des paiements mobiles, les opérateurs de téléphonie mobile assurent la sécurité de leurs infrastructures, leurs systèmes informatiques et leurs bases de données, et doivent sensibiliser les consommateurs sur les mesures de sécurité à prendre au niveau individuel pour ne pas divulguer les codes secrets qui donnent accès aux comptes mobiles. C’est l’occasion de rappeler que ces codes sont absolument secrets et doivent le rester, pour éviter que quelqu’un d’autre s’en serve pour vous dépouiller de votre argent. Partager son code revient à montrer à une autre personne la cachette de son argent…

  1. Quel est l’avenir de ce mode de paiement dans notre univers camerounais ?

Nous espérons que l’avenir de ce mode de paiement est radieux, parce qu’il représente pour nos entreprises communautaires (informelles et formelles), l’une des pistes les plus efficaces pour faciliter leur accès au financement bancaire.

A titre indicatif, suivant les statiques disponibles, le nombre de transactions financières en monnaie électronique est en effet passé de 300 millions en 2017 à 567 millions en 2018 dans la zone CEMAC. En valeur, les transactions globales de mobile money qui s’élevaient à FCFA 4 512 Milliards en 2017 ont dépassé FCFA 7 964 Milliards à la fin de l’année 2018 dont 76 % au Cameroun et 18 % au Gabon. Si cette tendance a été maintenue, ces transactions auraient au moins doublé entre 2019 et 2020, et devraient avoir atteint FCFA 20 000 Milliards en 2020.

Le mode de paiement mobile résout avec une rare efficacité le problème d’organisation comptable des PME qui, à notre humble avis, constitue leur principale faiblesse et en même temps un frein majeur au crédit bancaire. Grâce au reporting systématique des transactions financières effectuées par le compte mobile, les entreprises peuvent justifier avec plus de fiabilité leurs mouvements d’affaires et offrir aux institutions financières plus de visibilité quant à leurs capacités à générer des revenus et à rembourser les crédits.

Nous encourageons par conséquent tous les opérateurs économiques (entreprises, artisans, commerçants et consommateurs) à utiliser de plus en plus leurs comptes mobiles pour régler leurs transactions commerciales, car cela participe de leur engagement au développement économique et social de notre pays et de notre continent.

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